Svanhildr posa sa valise sur le lit vide, puis s’assit sur le rebord balayant du regard la chambre. C’était une habitude qu’elle avait prise lors de ses multiples séjours à l’hôtel. C’était un dortoir assez commun. Quelques affaires éparpillées à droite et à gauche, des draps défaits, des feuilles volantes. Elle pouvait presque imaginer ses futures colocataires vaquer à leurs occupations. Elle frissonna à l’idée de partager son lieu de vie. C’était une première. L’an dernier elle avait pu occuper l’une des chambres vides. Ou alors personne ne voulait aller avec elle ? C’est vrai que l’Islandaise n’était pas une camarade de chambrée très prisée. Et puis sa réputation sans être mauvaise ne l’aidait pas vraiment. Elle s’allongea quelques instants.

La changer de dortoir était aussi une idée de l’équipe pédagogique. Il fallait s’intégrer disait il. Elle pensait que s’inscrire aux cours d’art dramatique serait suffisant. Que nenni. D’ailleurs, il faudrait qu’elle aille y pointer le bout de son nez un jour. Ses pensées s’égaraient lorsqu’une pensée vint la frapper avec force : ses colocataires. Elle redoutait leurs rencontre. Elle ignorait tout d’eux, jusqu’à leur prénom. Et eux savaient t’ils qu’ils allaient accueillir une nouvelle camarade ou les avaient t'on prévenu de qui elle était ? Et si ils découvraient ses escapades nocturnes ? S’ils l’entendaient un jour crier dans son sommeil ? Et s’ils était stupide voir pire… bruyant ?

La liste se déroulait encore et encore dans son esprit.  Svanhildr n’avait rien contre les gens c’est juste qu’elle ne les comprenais pas. Son bouclier mental était parfois handicapant dans ses relations sociales. Un soupir lui échappa. Ce n’était pas le moment de se perdre dans ces considérations. Elle avait plus important à faire. Ranger ses affaires. En réalité ce n’était pas urgent mais c’était préférable à rester allonger et ruminer. Elle déplia ses jambes et avec delicatesse entreprit de ranger ses affaires dans l’armoire à droite de son lit. D’abords les robes et jupes ainsi que t-shirt et pantalon et enfin les sous vêtements. Quelques pliages plus tard elle ouvrit l’unique tiroir de la penderie. Elle se pensait au delà de considérations aussi basses mais ses joues s’empourprèrent lorsqu’elle se rendit compte que le tiroir était occupé par une multitude de sous vêtements masculins en boule. Un homme vivait là. Sa liste de préoccupations venait de s’allonger. Elle n’osa pas toucher les tissus (Et s’ils étaient sales hein ?!) et remit sa lingerie dans sa valise ouverte sur le lit. Ce problème serait réglé plus tard.

Svanhildr ouvrit alors son dernier sac. Imposant et lourd qui contenait son armure bleue et or. Elle l’effleura du bout des doigts. Le contact de l’acier était délicieux. On pouvait distinguer quelques éraflures sur les ornements dorée mais son épée se trouvait dans un état bien plus critique. La lame était usé et il fallait remplacer le tissus sur le pommeau. Svanhildr était un peu trop vigoureuse lors de ses entraînements. Finalement elle remit l’armure dans le sac et déposa l’épée sur sa table de chevet. Comme un avertissement.

Debout face à son lit elle passa une main sur sa jupe bleue ciel. Elle songea qu’il lui fallait se tresser les cheveux pour aller courir. A l’heure actuelle sa chevelure blanche volaient un peu dans tout les sens. C’est à ce moment qu’elle réalisa qu’il y avait du mouvement dans la pièce. Pitié, faites que ce soit un courant d’air pensa t’elle.

J'aimais profiter du calme ambiant, mine de rien ça atténuait mon envie de taper les gens. Plusieurs têtes étaient apparues cette année, et je sentais que dans le lot certaines aller me taper sur les nerfs. Des petites frappes de première zone, des clébards perdus pensant pouvoir me mordre. Autrement dit, une belle équipe d'abrutis. Chaque année c'était la même chose : j'attirais les problèmes. Non pas que taper me dérangeait, mais je savais que si je continuais j'allais me coltiner un ultimatum du directeur. Me calmer ou décamper. La deuxième option n'étant pas possible je tentais de me contenir un minimum. Mais s'ils me volaient dans les plumes, j'allais très probablement répliquer.

«Raaaaah !!»

Tout ça m'énervait. On s'étonnait que j'étais grognon mais en même temps ils ne me facilitaient pas la vie ces incapables ! Je jouais avec mes doigts et fis naître une petite flamme à tête de dragon. Ces derniers temps je me complaisais à essayer de donner une conscience à mon feu. Néant total niveau résultat. Enfin presque, j'arrivais à lui donner une forme désormais, mais ça s'arrêtait là. Je lui fis faire des voltes avant de l'envoyer vers le ciel et de claquer des doigts. Une petite explosion naquît et sur ce, je me levais. Direction mon lit.

C'était un des avantages à être un flemmard : on était capable de roupiller à n'importe quelle heure. Je pris mon temps sur le chemin du retour, montais au premier étage en trainant des pieds. J'ignorais le mouvement provoqué par les gens. En général on ne s'aventurait pas trop à engager la conversation avec moi, et à juste titre. Je n'étais pas ce qu'on pourrait qualifier de social, vous l'aurez compris. Je poussais la porte et... Oh non pitié dîtes moi que je rêvais !!

Je restais planté là, à la porte. De une, la personne qui se trouvait dans ma chambre avait le nez dans mon tiroir à sous-vêtement. De deux on l'aurait cru paumé. Et de trois... C'était une FILLE. Génial, je ne pouvais rêver meilleure compagnie. C'était de l'ironie. Evidemment. Et le pire, c'est que je crois que j'étais gêné. Je ne savais pas m'y prendre avec les nanas, alors partager ma chambre avec elle... Ca risquait de ne pas être marrant tous les jours ! A coup sur c'était une punition pour mes derniers écarts. Humpf.

Puis je repris mes esprits et entrais dans la chambre. J'allais sur mon lit, otais mes baskets avec mes pieds et m'étalais comme une loque sur le dos, les bras croisés sous ma tête.

«Alors, ça t'arrive souvent de fouiller dans les tiroirs des autres ?»

Géniiiiiiiiiiiial Alex ! Comme entrée en matière tu ne pouvais pas faire mieux. T'es un génis mon gars. Non sincèrement, je m'épuisais des fois.

Svanhildr se retourna vivement, ses joues s’étaient légèrement empourprés. Mais c’était plus en raison de la surprise que de la gène. Une main rapide remit ses cheveux sauvages en place ainsi que ses idées. Elle détailla le garçon et son attitude débraillée. Si un spectateur épiait la scène il remarquerait les contrastes entre les deux jeunes. L’un aux cheveux noirs de jais, l’autre à la tignasse blanche. L’une droite comme un I et l’autre telle une loque. Un calme presque terrifiant se dégageant de la blanche et une violence contenu dans l’autre.
Au moment ou Svanhildr avait posé son regard sur l’homme, elle comprit que leurs points communs étaient inexistants. Qu’ils n’avaient rien à se dire. La jeune femme était parfois prompte aux jugements hâtifs. Puis d’une voix monocorde elle répondit à son nouveau colocataire.

“Non. Je cherchais juste un endroit ou ranger mes affaires. Tes sous vêtement ne m'intéressent pas le moins du monde.”

Sur ces paroles, elle s’assit sur le rebord de son lit et entama une rapide tresse, d’un air absent. Ce type lui disait quelque chose. Elle avait déjà entendu parler de lui. Ou vu peut être. Elle garda le silence de longues minutes puis une fois ses cheveux domptés s’approcha du garçon. Svanhildr plaça son visage juste au dessus du sien en penchant quelque peu la tête. C’était vraiment impoli d’agir ainsi et pénétrer l’espace privé de quelqu’un. Mais ça l’Islandaise s’en foutait. Elle l’avait déja vu quelque part. Ses yeux ne lâchaient pas les siens et sa bouche pas un mot. C’était ce genre d’attitude qui pouvait la rendre étrange. Si seulement elle en avait conscience. Soudain, la parole fusa.

“Alexander Clark, dernière année, 24 ans et délinquant notoire.”

Bien sur qu’elle l’avait déjà vu. On pouvait difficilement le louper dans les couloirs. Et les murmures qui précédaient ses passages lui avait apprit qui il était. Sans bouger elle soupira de soulagement. Elle en savait un peu plus. C’était rassurant. Svanhildr se repassa en mémoire les conseils qu’on lui avait donné pour s’intégrer. Ah oui ! Se présenter aussi, toujours penché au dessus de lui, elle tendit la main tout en parlant.

“Svanhildr Alvindottir, deuxième année, 18 ans et... “

Mince. Et quoi ? Svanhildr bloquait. Elle n’avait pas de qualificatifs à ajouter. Tant pis. Il devrait se contenter de ca. Après avoir émit quelques “hum” de réflexion, elle répéta sa phrase, mettant juste un point après 18 ans. Puis attendit qu’on lui sert la main. Selon la coutume. Là, notre spectateur curieux pourrait rire et trouver la situation clairement ubuesque. La jeune femme ne semblait pas le moins du monde s’inquiéter de la réputation de son colocataire.

Je la regardais s'afférer depuis mon super poste d'observation. La nana n'avait rien trouvé de mieux à faire que de tripatouiller ses cheveux. Comme si c'était important. Les filles je vous jure. Mais la suite me fit préférer la situation précédente. Cette petite effrontée osait envahir mon espace vital. J'avais deux possibilités : la démonter de suite et lui montrer les limites directement, ou bien jouer avec son air farouche. Je n'étais pas de ce genre d'homme qui ne lève pas la main sur une femme. Si elle me cherchait j'allais l'exploser, purement et simplement. Mais d'un autre côté j'allais passer l'année dans la même chambre qu'elle. Ne serait-il pas plus marrant de la persécuter un peu ?

Tandis que mes pensées fusaient, la fille aux cheveux blancs me fixa tandis qu'elle énumérait ses connaissances sur ma personne. A vrai dire la façon dont elle balança ces informations me firent dresser les poils. J'avais l'impression de n'être qu'un objet qu'on aurait étiqueté. Irritant. Je n'étais pas un cobaye avec un numéro de référence. Tu allais te mordre les doigts ma fille, tu commençais plutôt mal. Un rictus malicieux et peut-être légèrement sadique vint s'incruster au coin de mes lèvres. Puis je pris le temps de lui répondre.

« Eh beh ! Tu aurais presque pu me surprendre, malheureusement tu te trompes sur deux points. Le premier, je suis en 7e année et non pas en 9e année. Et deuxième erreur : je ne suis pas un délinquant notoire. Quoi que, certains peuvent me voir comme tel. Bon sur ce point là je passe donc, mais reste que tu t'es plantée quand même. Du coup tu passes un peu pour une fille qui tente de se la péter avec ses connaissances et qui paraît un peu stupide du fait des bourdes qu'elle sort. Dommage. Enfin après moi ça me dérange pas, je trouve ça plutôt drôle. »

Puis elle se présenta, je l'écoutais d'une oreille semie attentive. Elle tendit sa main, attendant que je la lui prenne. Enfin je supposais. Elle avait l'air d'avoir quelques problèmes de communication. Mais je ne risquais pas de lui lancer la pierre, vu mes propres difficultés avec le mot « sociable ». Et puis je n'avais pas à me plaindre, elle au moins ne me regardait pas comme si je n'étais qu'un odieux criminel capable de tout détruire à la seconde. C'en était presque reposant. Je lui pris alors la main et la tirais sur moi. Laissant mon feu faire rougeoyer mes yeux je lui répondis.

« Enchanté Svanh'. Si je devais finir ta phrase je dirai : 18 ans et un peu perverse, la preuve je fouille les tiroirs de mon colocataire ! »

Dois-je rappeler que je n'ai jamais trop su m'y prendre avec les filles ? Je n'avais aucune idée  de la façon dont elle prendrait mon affront. En même temps c'était elle qui avait envahit mon espace vital. Jouer avec le feu d'un élémentariste du même élément n'était pas forcément une idée lumineuse. Je ne lui serrai cependant pas le poignet, je voulais la laisser réagir, les choses pouvaient devenir marrantes.

Elle continua de le fixer de son air stoique, son visage à quelques centimètres du sien, elle pouvait presque sentir le souffle de son colocataire sur son visage. La majorité aurait reculé, la situation était vraiment peu convenable, mais ce n’était qu’une convention sociale. Et pour cela, Svanhildr n’était pas la meilleure. Ses cheveux venaient effleurer l’épaule de l’élémentaliste tandis qu’elle lui répondit d’un ton égal.

“Je me suis trompée en effet. Tu es le premier à me qualifier de perverse. Peut être que je le suis ?” Son ton était réellement interrogatif. Svanhildr ne savait pas se définir, elle laissait les autres s’en charger.”Enfin, cela n’a pas vraiment d’importance. Sinon, je ne fouillais pas dans tes tiroirs, j’étais à la recherche de place pour mettre mes vêtements. Mais tu occupes beaucoup d’espace dans ce dortoir visiblement”

Il n’y avait aucune animosité dans sa voix. C’était purement factuel. Elle continua de soutenir son regard. Le brun semblait vouloir s’imposer. Elle avait lu des bouquins sur les fauves et la notion de territoire. Peut être se pensait il comme le mâle dominant et voyait Svanhildr comme une menace ? Après tout, les être humains n’étaient que des animaux améliorés. Les doigts du garçon dégageaient une certaines chaleurs. Tandis que la peau de la jeune femme était toujours fraiche. Ce simple contact physique résumait bien leur caractères respectifs. Celui qui s’occupait de la répartition des dortoirs avait bien du rire en les mettant dans la même chambre. Alexander serrait toujours son poignet. Qu’est ce que cela voulait il dire ?

“Si m’entraver est une manière de signifier ta force, sache que c’est inutile. Je ne doute pas que tu as des capacités certaines mais elles n’égalent probablement pas les miennes. Il est plus sage, pour toi comme pour moi, de définir nos territoires respectifs. Notre lit et un mètre autour me semble être un bon compromis.”

Elle avait lu que les compromis étaient toujours la bonne solution. Quand elle était petite elle pensait que c’était les poings, durant son séjour auprès des médecins elle pensait que c’était obtempérer. Elle n’avait plus qu’à avoir confiance en les écrits de “techniques de dévellopement sociaux” pour gérer cette situation. Il faut signaler clairement ses intentions et poser ses limites se souvint elle.

“Je viens en paix. Je n’ai aucune mauvaise intention envers toi. Mais sache que j’ai des limites à ne pas franchir.”

Bon, elle n’avait jamais vécu avec des gens, donc elle n’avait aucune idée de ces limites. Sa capacité à supporter était assez élévée. Mais elle savait répliquer. Par contre, si ils pouvaient éviter d’en venir aux mains, ca l’arrangeait. Réellement, Svanhildr aimait bien combattre mais pas en intérieur.