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Un bâillement déforma le visage endormis de Lilian. Une mauvaise nuit de cauchemar l'avait malmené et l'avait fatigué plus que reposé. Nonchalamment, le jeune homme se dirigea vers sa salle de bain, prenant une douche sommaire. Son portable se mit à vibrer durant deux secondes et quelques. Se raidissant, le jeune homme reconnu l'alarme de son téléphone le prévenant de l'avancée  dangereuse de l'heure. Après une mise en "beauté" brève, histoire de ne pas sentir le rat mort quand il parlera à ses élèves, Lilian se mit en route, habillé de ses vêtements amples. Le chemin vers l'école fut assez court, soit est-ce par l'adrénaline ou tout simplement parce que courir fait arriver plus vite, mais toujours est-il que le jeune homme fut surpris d'arriver en avance, lui qui était pourtant partit en retard. Replaçant ses cheveux dans un désordre ordonné, il poussa la porte donna sur le hall, saluant brièvement élèves et collègues qu'il pouvait croiser. Le premier étage gravit, il enleva ses chaussures et déposa ses pieds nu au sol. Tout son corps se détendit sur le coup tandis que ses orteils remuèrent un coup, comme ré-appréciant le contact. Fin prêt, il se remit en route et monta les quelques marches qui le séparait de l'étage désiré. Bien que les cours avait déjà commencé depuis quelques heures, le couloir était dans un état de semi-calme. Des chuchotement le peuplaient, se voulant pourtant discrets, leur nombre les rendaient bruyant. Comme tout bon prof, Lilian se racla la gorge, l'air de rien. Le bruit cessa sur le coup. Le jeune homme retint un rire tout en se demandant s'il pensait réellement qu'il ne les avait pas entendu. Arrivé devant sa salle, il se mit à sourire légèrement avant de l'ouvrir. Le jeune homme avait prit l'habitude de ne jamais la fermer. Pour lui, tout le monde devait pouvoir avoir accès à l'Art. Même si il y eu quelques excès de zèles, les élèves finirent par respecter cette décision et le nombre de jeunes surpris dans des positions suggestives réduisit considérablement.

Regardant l'heure, Lilian souria à la vue des cinq minutes qu'il avait encore devant lui avant que la masse d'élèves n'arrive. Enfin, la masse.. Après tout, les cours étant facultatifs, il ne savait pas réellement combien ils allaient être. Dans le doute, il prépara une dizaine de chevalets, tous espacés de plusieurs mètres. Encore une fois dans l'inconnu, le jeune homme ne savait pas non plus le niveau de chacun, peut-être allait-il avoir des virtuoses comme des novices. Cet inconnu était à la fois ennuyant mais en même temps source d'excitation. N'allez pas y voir un délire pervers, juste un rebond dans un quotidien. Sa salle prête et l'heure n'ayant pas réellement plus défilée que cela, Lilian s'installa sur sa chaise, assis en tailleur et se mit à griffonner une esquisse. Quelques bruits de pas précipités dans les couloirs lui fit comprendre que l'heure était enfin là. Ne quittant cependant pas son dessin, il se leva et partit ouvrir sa porte sans réellement faire attention si le moindre élève était déjà présent. A vrai dire, cela l'aurait franchement étonné de voir un élève se précipiter à son cours facultatif d'Art. Rejoignant son bureau, il ne prit même pas la peine de retourner sur sa chaise et préféra s'installer en tailleur sur le coin dégagé de son bureau.

- J'ai vu ta tête en arrivant. Ne t'en fais pas, je ne t'aurais pas gronder pour quelques minutes de retard.

- Bon, nous ne sommes pas beaucoup mais cela ne me dérange pas plus que cela personnellement, au moins aurais-je le temps de vous voir et de vous conseiller de manière plus précise. Bref. Comme vous le voyez au fond de la salle, il y a absolument TOUT ce qui peut être utilisé afin de créer une oeuvre. A un détail près. Vous n'avez pas de modèle ou de représentation à faire. Je vous laisse une totale carte blanche. C'est aussi pour cela que vous avez accès à tout. Je veux que vous vous exprimiez sans contrainte. Pour ceux qui n'ont pas d'idée, vous pouvez dessiner quelque chose d'abstrait, de réel.. Des sentiments, l'être magique dont vous descendez, un être cher.. Comme un doudou. Absolument tout. Je veux que vous preniez plaisir à imaginer. Cela me permettra de voir vos capacités artistiques et de réflexion.

- A vos marques, prêt, feu ? Créez.

Je contemplais l’extérieur, profitant de ma proximité avec la fenêtre pour laisser mes yeux s’échapper à cette vision déprimante qu’était les salles de cours. Un minimoy apparut à côté de moi. Je détournais mon regard de l’extérieur pour l’observer. Sa tête m’était familière mais j’étais bien incapable de dire où je l’avais déjà vu. Surement dans un couloir. Je n’avais pas encore ouvert la bouche que des mots sortirent de la sienne, avec un débit bien trop élevé à mon goût. La fin de sa tirade m’arracha une grimace. Etait-il sérieux ? Avais-je l’air d’un gentil toutou qui fait des câlins aux jouets ? Cherchant une réponse à ce qui m’avait rendu muet, j’entraperçus une porte de sortie en voyant le jeune homme se lever et se diriger vers le tableau. Je tapotais la tête de son nounours et trouvais des mots peu agressifs pour ce matin de rentrée ensoleillé.

« Oui oui elle est classe ta peluche marmot. »

Puis j’écoutais distraitement notre soi-disant nouveau prof. Un nom à coucher dehors et probablement plus jeune que moi. Si ça, ça n’inspirait pas le respect … Je poussais un soupir et en refis un autre, plus long, lorsqu’il quémanda mon aide. Bon sang comme je commençais déjà à regretter notre prof de l’année passée. Elle au moins, elle avait compris qu’il fallait me laisser en paix. Mais bon, je décidais de lui laisser une chance et lui apportais mon aide. Ça ne prit pas longtemps et je retrouvais vite ma place. S’en suivirent les consignes et je me dirigeais vers le matériel. Choisissant une palette large de pastels sèches, je cherchais une feuille aux tons neutres et foncés. Parfait. Mon crayon de papier pris place dans ma main et esquissa la base de mon œuvre. Œuvre était un bien grand mot, mais il paraissait que j’étais plutôt doué. Donc bon. Je me permettais de me lancer une fleur. Nah.

Je laissais mon esprit divaguer, laissant libre cours à l’expression de mes sentiments et à mon imagination. Les proportions apprises dans des livres d’anatomies depuis longtemps, je me rendis vite compte que je n’avais aucun problème pour réaliser mon sketch. Heureusement. Je détestais quand je n’arrivais pas à respecter l’anatomie. C’était la base de tout à mes yeux. On ne pouvait pas être précis sans avoir une base précise. Un portrait de loup hurlant apparut de profil . J’avais déjà une idée des couleurs : des tons sombres, des teintes froides et tirant sur les bleus. Une ambiance sinistre pour un être innocent. Interprétez cela comme vous le sentez, moi je ne me posais pas la question de ce que ça pouvait bien signifier.

Comme à chaque fois que je dessinais, les choses étaient claires dans ma tête. Et plus appréciable encore, je ne pensais plus à rien d’autre.  

Lilian les observa encore plusieurs minutes après le départ puis, silencieusement, il retourna vers son bureau. Le jeune homme avait envie de papoter avec eux, rigoler.. Mais, il n'était plus élève, mais bel et bien enseignant. Et puis, il leur fallait un peu de calme pour dessiner. Le jeune professeur ne connaissant pas leur niveau ni leurs capacités, il ne pouvait donc savoir s'ils étaient habitués à dessiner en situation non calme. A ce moment là, Lilian se rappela du dessin qu'il avait fait lors d'une soirée-.. D'une étude des devoirs.. Un vrai chaos, mais le dessin restait agréable.
Souriant, Lilian finit par partir chercher un chevalet puis s'installa en face de ses élèves avec un silence assez surprenant vu le matériel transporté. Enfin installé, le jeune homme se mit à mordiller son pinceau, l'inspiration était muette durant quelques instants avant de venir doucement s'insinuer en lui. Telles des gouttes sur une vitres, ses gestes glissent sur la toile, la colorant d'un bleu sombre aux nuance blanches. De son autre main, d'une manière instinctivement, ses doigts jouaient avec les palettes de couleurs, prenant un pigment et l'ajoutant à un autre pour former une nouvelle teinte. Les yeux rivés vers son début de peinture, le jeune homme s'affaire silencieusement à rendre sa toile  compréhensible. Cependant, pour l'instant, aucune forme n'est réellement possible à déceler. Juste des couleurs qui s'associent à souhait. Du bruit dans le couloir l'ôta de sa torpeur artistique. Des gens ahuris semblaient trouver ça drôle d'ennuyer les classes artistiques. Déjà lors de sa scolarité, ce type d'idiots existait déjà, alors, il était normal qu'ils soient encore là. Passant la tête par la porte, un grand type bien connu pour jouer les caïd s'amusa à se moquer des personnes présentes avant de disparaître dans le couloir.
Sans un mot, il se leva en se dirigeant vers la porte de sortie avant de lâcher un petit "Je reviens" puis ferma la porte. Dans la salle et dans le couloir, le silence se fit. Plus un son ne provenait du couloir, comme en suspend. Au bout de quelques minutes, Lilian revint dans la classe l'air de rien. Dans son sourire, deux canines non négligeable semblait avoir fait irruption. Celles-ci étant visible pour ceux qui y font attention. Avec une voix posée et douce, le jeune homme leur parla.

- Bon toi, dont je ne connais toujours pas le nom, je n'ai pas de soucis à me faire. Mais Sophian, si jamais le garçon vient t'ennuyer, dis lui juste que s'il continue, il viendra faire une heure de colle ici.

Retournant vers mon dessin, Lilian se surprit à sourire. Sa vraie forme, il la ressentait et la vivait telle une malédiction. Mais il fallait avouer que parfois... Ça forçait le respect chez certaines personnes.

Je me reculais et regardais ce que j'avais produit pour le moment. Ca allait... A peu près mais je sentais que j'allais retoucher mon sketch. Il y avait... Je ne sais pas, un détail qui ne convenait pas. Restait à savoir lequel ! Je détournais mon regard et me permis de contempler notre prof. Je ne savais pas trop quoi en penser. Il était retourné vaquer à son occupation sans demander son reste. Etait-il compétant ? Le temps nous le dirait certes, mais ça me taraudait. Puis je me mis à observer le minimoy qui me servait de camarade. Il ne devait pas être bien vieux vu sa taille. Ca me titillait de ne pas réussir à ressituer sa tête. Un air triste se dessinait de plus en plus sur son visage. S'il venait à chialer je pense que je décamperai. Ou je le taperai. Non c'est pas bien. Mais quand même. Humpf.

On entendit du bruit dans le couloir et eûmes le temps de voir Lilian sortir de la salle. Porte close. Génial, j'étais enfermé seul avec un marmot. Bon d'accord j'étais de mauvaise foi, « enfermé » n'était pas vraiment le bon mot. Je fus sorti de mes pensées par notre prof qui revint quelques minutes plus tard... avec des jolies quenottes apparentes. Le pire, ce fut le ton qu'il employa : trop gentil, trop joyeux, trop tout. Mine de rien je frissonais. Une bête se tapissait en lui, et j'aurai mis ma main à couper que ce n'était pas un gentil petit chaton. J'eus un regard nouveau pour ce prof inconnu. Qu'était-il ? Que valait-il vraiment ? Que vaudrait-il face à moi ? Tant de questions sans réponses qui quémandaient de l'intérêt.

« Alexander. Alexander Clark.»

Je le fixais dans les yeux, un rictus sur le visage et sentis mon regard rougeoyer. Le feu en moi s'était animé, espérant trouver un jour réponse à ces questions.

Je tentais de me remettre à mon dessin, mais mes pensées ne cessèrent de se tourner vers ce que je venais de voir. Si bien que sans m'en rendre compte, mon loup devient blanc moucheté de rouge. Le fond sombre comme la nuit et deux yeux de bête gris prirent forme dans un recoin du dessin. Une tâche, un rappel, une menace. J'avais envie de faire bouger les choses. Et je savais que je ne devais pas troubler l'ordre chez les profs. Mais quand même, c'était tentant.

Je n'arrivais plus à tenir en place. Etonnant. Le dessin n'arrivait pas à contenir mon énergie. Je gigotais. Il allait falloir que je sorte prendre l'air. Bientôt.