Déjà une année me séparait de mon passé et de ce que j'avais pu connaître. Coupé du reste du monde, je croisais stupidement mais simplement les doigts pour ceux restés en Irlande. Notamment pour mon frère aîné, espérant chaque jour qu'il puisse aller un peu mieux. Même si, au fond de mon coeur, je savais trop bien que ce ne serait pas le cas. Cependant, je me poussais à y croire, en chassant de funestes pensées. J'avais conscience, mais pas assez, de sa douleur et j'ai toujours eu cette peur qu'il ne veuille rejoindre Cameron. Ce n'est pas à exclure, et pourtant, je n'en serais pas informé. Enfin, je n'avais pas eu de nouvelles depuis mon envolée pour venir ici. Je nous savais isolé du monde, mais j'avais osé espérer après coup avoir des nouvelles. Que je n'ai jamais eu encore. L'espoir seul me faisait croire en des jours meilleurs pour ma famille.
Moi en attendant, je suivais mon train de vie ici, à Abberline, et par extension à Alaria. Une année, donc, durant laquelle j'avais pris des petites marques infimes, et pourtant importantes. Je suis familier au pensionnat, et aux différents lieux alentours, surtout au lac. Rien de très surprenant finalement, et j'avais pris donc l'habitude d'y aller autant que possible. C'était une sorte de repos du guerrier quand j'allais, accompagné d'un carnet à croquis, au bord de l'eau. J'y croisais souvent des gens qui devaient être de proche ou de loin de mes cousins. Mais je n'osais pas trop, durant l'année passée, aller vers eux. Je me la jouais plus solo que multijoueurs, si je puis dire. Cette année-ci serait différente, autant parce que j'allais vers les gens, et je ne ressemblais plus à un ermite.
Enfin, en quelques sortes. Avant je faisais semblant de roupiller quand je ne voulais pas qu'une personne vienne vers moi. C'était un peu craignos, mais ça marchait. Heureusement que personne n'a décidé de me chercher des noises, sauf exceptions que je chassais en une seconde de mes pensées. J'avais décidé de prendre l'air, en cette pseudo fin de journée, et avec habileté je me posais près du lac naturel, hors du pensionnat. En tailleur, je disposais mon carnet ouvert à une nouvelle page et je dégainai mon porte-mines. Le léger vent léchait mes bras nus, et serpentait un instant dans mes cheveux bleus. Je maintenai les pages. Dès qu'il eut cesser de souffloter sur moi, je commencais à gribouiller, des nénuphares, me reprenant à plusieurs fois pour faire de jolis traits. Je soupirai à chaque fois que je devais user de ma gomme, que je posais systématiquement toujours plus loin. Quelques mouvements plus loin, j'avais déjà les premières formes, pas peu fier du résultat.