Christopher marchait dans les couloirs. Il était d'astreinte cette nuit là, malheureusement pour lui. C'est à dire pas de bouquins cool sous la main ou de cuisine fonctionnelle à trois heures du matin. Et surtout... surtout... Il devait surveiller les monstres. Enfin ce n'était pas au sens péjoratif du terme, bien sûr, tout au plus affectueux un minimum. Ah, son appart' lui manquait aussi parce qu'il ne pouvait pas utiliser sa cigarette électronique dans l'enceinte du pensionnat... Quelle galère. En plus, ce n'est pas comme si il ne se passait rien chaque nuit. A chaque fois il devait faire face à au moins un incident. Qui allait donc le forcer à se bouger ce coup-ci ?

- Mhhh... Pas de course. Feutrés. Démarche féminine. Agilité féline. Garou... Elle, donc.

Le surveillant général ne fit aucun cas de la direction d'où venaient les pas et se dirigea tranquillement vers la salle de chorale, le seul endroit un tant soit peu digne d'intérêt dans les environs pour la personne qu'il allait surprendre. Là, il patienta exactement dix secondes en tapotant du pied et en regardant sa montre avant de voir débouler la tigresse.

- Mademoiselle Athria... C'est la combientième de fois ce mois-ci ?

Oui, il connaissait tout les élèves par leurs noms, prénoms, classe et pouvoirs. Au moins. C'était la première de ses tâches en début d'année scolaire : retenir toutes les têtes, toutes les infos, et ça lui prenait bien une bonne semaine, alors autant les utiliser à bon escient. Quand il s'agissait d'éléments perturbateurs, il ajoutait quelques petits extras. Maëlle Athria, garou tigre, sportive, membre de la chorale, énergique, déteste l'eau et réfractaire à l'autorité. Tout type d'autorité.

- Il me semble déjà vous avoir dit que le couvre-feu était nécessaire afin de vous protéger des phénomènes dangereux qui pourraient subvenir pendant la nuit. Enfin bon, ce n'est pas comme si vous écoutiez ce que je vous dit, pas vrai ?

Il laissa clairement la question rhétorique clôturer sa remontrance. Soit la demoiselle reconnaîtrait son erreur et ce ne serait qu'un (énième, mais bon, jeunesse, comportement animal tout ça) incident. Soit elle allait protester, se braquer ou tenter de filer, auquel cas il allait devoir sévir. Cela faisait trop de fois qu'elle passait outre les règles, et surtout qu'elle se mettait en danger. Outre le fait de faire respecter le règlement, le véritable rôle de Christopher était surtout de protéger les élèves, tant des dangers extérieurs que d'eux-mêmes. Mais bon, parfois on tombait sur des têtes dures. Il attendait la réaction de la blonde, avec un air contrarié sur le visage et les bras croisés.

- Ah Luctis, vous sortez toujours d'une botte de foin comme des ténèbres ! Puisque vous êtes là vous pensez quoi de mon interprétation de Tik tok pour la chorale ?

Christopher leva un sourcil dans une imitation du "type qui est intéressé par ce qu'il entend". Tik Tok ? De Ke$ha ? Décidément ces jeunes feraient toujours tout pour le surprendre. Bon là n'était pas la question... Qu'allait-il bien pouvoir faire d'elle... Elle ne se définissait pas par rapport à son pouvoir, elle n'était pas spécialement punissable... Tout au plus pourrait-il la forcer à miauler plutôt que parler pendant une semaine mais ça ne serait pas suffisant...

- Alors, ça va être quoi cette fois ? Torture avec menottes ? Colle de 4 heures "Je ne dois pas roder comme un chat noir la nuit" x1000 ? Quoiqu'il en soit, je vendrais cher ma peau ! Mes intentions sont honnêtes, et je sais me défendre ! Et puis les phénomènes dangereux... Pfeuh ! Je suis la seule dangereuse dans le coin !

Cette fois, il leva les deux sourcils, tout en serrant une de ses mains sur son avant-bras. D'accord, elle voulait provoquer. Elle était si puissante que ça ? Mh... Quel jour étaient-ils ? Ah ! Oui, plutôt que de l'enfermer comme un lion en cage pendant quelques jours, pourquoi pas... Bon il faudrait aussi faire attention qu'elle n'ait pas TROP peur, ni qu'elle se mette en danger par une réaction excessive... Donc... Oui pourquoi pas.

- Bon, comme vous semblez avoir du mal à assimiler ce que je vous dit, je préfère vous montrer. Passez devant, nous allons à l'annexe sud de la bibliothèque.

Il avait bien vu son regard rapide vers la fenêtre, c'est pourquoi il n'allait pas la quitter des yeux. Après, vous vous demandez pourquoi l'emmener vers un endroit avec des livres (pour autre chose que de l'assommer avec un bouquin en la faisant asseoir et travailler ?) Et bien, cette pièce était typiquement l'exemple des choses qu'il fallait éviter pendant la nuit : elle était "juste" hantée par l'esprit frappeur le plus violent de l'académie. Et oui, il allait y aller avec la tigresse. Histoire de lui foutre la frousse. Une bonne fois pour toutes, dusse t-elle y laisser des plumes... enfin des poils.

Avec une petite inspiration amusée, Chris s'arrêta aux côté de l'élève. Ainsi, elle-même n'entrait pas en trombe ? Quel dommage. L'effaceur n'entendait rien qui venait de a pièce, l'esprit avait du les sentir approcher. Ce fantôme était scellé dans les murs : il faisait ce qu'il voulait, une nuit par semaine, tant qu'il ne mettait personne en dehors de la bibliothèque au courant de sa présence. Mais si quelqu'un rentrait pendant ses heures de présence, le sceau n'avait aucun effet. Bien heureusement, il ne résistait pas aux pouvoirs de suppression. Mais la blondinette allait avoir quelques problèmes.

- Et bien, qu'attendons-nous ? L'exposé sur les dangers de la nuit dans le pensionnat commence maintenant !

Il avança vers la porte ouvragée, poussant Maëlle dans le dos avec le plat de sa main. Il ouvrit enfin l'entrée et tout deux pénétrèrent dans l'annexe. Les bancs étaient déjà encastrées dans le mur et des bouquins étaient éparpillés un peu partout... Heureusement que l'esprit rangeait tout au fur et à mesure. Le surveillant se retourna et ferma la porte. Toutes les issues étaient donc définitivement bloquées, le pouvoir du fantôme empêchant tout bonnement de sortir de la pièce. Bref, ça allait devenir marrant.

- Mademoiselle Athria, connaissez vous le principe d'esprit frappeur ?

Il avait un petit sourire sur le visage. Le genre de petit sourire qui n'augurait rien de bon. Déjà son regard était attiré vers une vitrine qui commençait déjà à vibrer. Bientôt, ç'allait être le chaos.

S'étant adossé au mur, Chris put assister à la suite des événements, et il ne fut pas déçu. Bien que la blonde ait vendu cher sa peau, rien à faire face à la démence du spectre des lieux. Quand elle finit sous une pile de mobilier il pensa qu c'était fini, mais elle trouvait encore le moyen d'être provocante. Boooon... Inspiration, jeunesse, insolence, tête brûlée... Elle n'était pa dangereuse, juste rebelle... Juste rebelle, ne pas s'énerver.

- En fait je devrais vous laisser méditer sur les raisons d'être du couvre-feu encore un peu mais je doute que réfléchir fasse partie de votre vocabulaire.

Il claqua des doigts et avec un sifflement qui s'apparentait à de la colère, tout les meubles allèrent se replacer à leur juste position, ainsi que tout les livres. La pièce semblait ne pas avoir été dérangée et plus rien n'indiquait qu'un esprit passablement dérangé mettait le bazar ici chaque soir. Le surveillant s'approcha de l'élève, qui était un peu rouge et un peu froissée par endroit.

- Les esprits frappeurs, du moins celui-là peuvent créer des illusions physiques. C'est à dire qu'elles atteignent réellement les cibles, mais qu'il est facile de ranger ensuite.

Mhhh, il commençait déjà à être tard, mieux valait en finir là avant qu'on ne lui reproche de torturer les gosses trop tard pendant la nuit. D'ailleurs c'était déjà bientôt la fin de son tour de garde, autant libérer la blonde... Après l'avoir raccompagnée jusqu'à sa chambre.

- Bon, fin de l'escapade, je vous raccompagne jusqu'à votre dortoir, exécution.